Calvaire est le premier long métrage du jeune belge
Fabrice du Weltz.
Marc Stevens (
Laurent Lucas), un chanteur itinérant tombe en panne au milieu de nulle part. Monsieur Bartel (
Jackie Berroyer), un aubergiste psychologiquement fragile depuis que son épouse Gloria l'a quitté, le recueille.
C'est alors que commence le cauchemar de Marc : M. Bartel voit en lui l'incarnation de son ex-femme et tout le village est persuadé que celle-ci est rentrée au pays.
Fabrice du Welz ne peut renier ses références cinématographiques et encore moins les hommages et clins d’oeils qu’il peut glisser dans son film. Mais faire un « survival » imprégné par les œuvres maîtresses du genre about-il à un film culte ou, faute de mieux à un bon film ?
On était habitué à voir
Laurent Lucas dans des rôles particuliers : médecin psychopathe, petit bourgeois malmené par une maitresse défunte ou persécutée par un ami d’enfance qui ne lui veut que du bien, détraqué pervers séquestrant un transexuel brésilien pour mieux lui crever les yeux et j’en passe ! Bref que des rôles sympathiques à jouer, des personnages sociables, attrayants, chaleureux, humains ! Ici, c’est lui la victime ! Ce rôle à contre-emploi peut laisser perplexe : la scène de l’incendie et de la tondeuse ne semble ni l’inquiéter ni le traumatiser. On l’aura connu en meilleure forme, plus impressionnant, plus terrifiant bref, plus convaincant !
Jackie Berroyer en bourreau et séquestreur pourrait faire sourire certains et fuir d’autres. Ce serait mal connaître ce rémois de souche (Vive la Marne !) qui donne à son personnage toute la profondeur nécessaire malgré la difficulté que laissait prévoir ce rôle ! Enfermé dans son désespoir et sa folie il est impardonnable mais terriblement familier !
Notons aussi la présence plus qu’imposante de
Philippe Nahon ! Lui qu’on avait vu effrayant, choquant et dérangeant dans les premières œuvres de
Gaspar Noé en boucher fou (“
Carne” et “
Seul contre tous” : films qui, malgré un penchant trop simple pour la provocation facile est ce que
Noé a fait de mieux… ou de moins pire) campe encore une fois un bouseux cul terreux, aussi dangereux qu’imprévisible ! On le voit peu mais son seul regard exorbité fait froid dans le dos !
Alors si le casting est plus qu’alléchant et prometteur, qu’est-ce qui fait défaut à “
Calvaire” ? Peut être qu’au fond vouloir faire passer
Laurent Lucas pour un chanteur, on peut y croire (un peu) ; faire passer les régions franco-belgico-luxembougeoises pour peu attrayantes, on y croit entièrement sans voir le film ; que des crétins décervelés se tapent des truies, soit, qu’ils confondent des vaches avec des chiennes, why not. Mais qu’on prenne
Laurent Lucas pour une femme, il faut vraiment être en manque !
Pourtant, malgré ce penchant sexuel discutable et curieux, il y a chez
du Welz un plaisir certain pour l’ironie noire qui, malheureusement, plombe le calvaire de Marc Stevens. D’autant plus que le jeu des références à des films tels que “
Massacre à la tronçonneuse” de
Tobe Hooper, “
Delivrance” de
John Boorman, “
Chiens de Paille” de
Sam Peckinpah (et j’en passe et en oublie, mais on peut résumer par tous les films cultes des années 70 qui ont marqué leur temps par le traitement qu'il faisait de la violence et de l'ultra-violence sous toutes leurs formes) devient un exercice de style sans apport concret au film (on pensera notamment à la scène de repas). Et si certains plans (comme le plan séquence vertical et circulaire (comme dans "
Irréversible" de
Noé ?)), seul véritable moment de calvaire très bien retransmis et très dérangeant) sont réussis, donnant enfin ce sentiment d’oppression et d’étouffement que l’on attendait, on reste froid et imperturbable devant tout le reste du film. Quel en est donc l’intérêt ?
Peut être le prix très spécial décerné à Cannes en 2004 ? Si on veut car le film a tout de même le mérite de l’être, très bizarre ! L’ambiance poisseuse, malsaine est certes constante mais la complaisance dans la provoc’ et une soit disant analyse de la société dans ses pires retranchements (scène du bar avec le piano) laisse dubitatif sur sa réelle crédibilité ! (Tout comme
Noé, chercher à tout prix à déstabiliser, choquer en employant des moyens pompeux, artificiels, inutils)
Au final, on avait entendu que ça serait culte, c'est juste ennuyeux mais on peut excuser
Fabrice du Welz d’avoir voulu à tout prix montrer ses influences (on a tous nos dieux et nos sources de lumière) mais il n’en reste pas moins un film bancal, maladroit aux les intentions floues, virant trop facilement dans la mascarade, où la violence est décorative et dénuée de facteurs narratifs (n'est pas
Kubrick ou
Haneke qui veut) ! Mais pour un premier film, il y a pire casting !
J’ai l’impression que votre film s’est fait la malle !
Calvaire de
Fabrice du WelzAvec : Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon
2004.
Interdit aux moins de 16 ans.