Et si, pour changer, je vous parlais d’une histoire… sur la violence ? Mais pas une violence complaisante, inutile et pseudo-intellectico-philosophique ! Non, une violence façon
Cronenberg.
Cronenberg ? Qui c’est ?
Cronenberg, c’est un canadien !
Ca c’est moche !
Mais un canadien qui a su aller au-delà de ce handicap !
Ca, c’est bien !
Cronenberg, c’est donc le genre de type une fois vu sa tête, on comprend tout de suite ses films !
Cronenberg, c’est “
eXistenZ”, c’est “
Spider”, c’est “
Vidéodrome”, c’est “
La Mouche” etc. C’est le type qui a signé l’adaptation cinématographique d’un roman inadaptable (“
Le Festin Nu” de
William Burroughs, icône de la
Beat Génération), c’est une personne obnubilée par les mutations, changements et attitudes des humains vis-à-vis d’eux-mêmes, de leurs pulsions les plus refoulées (« The body is the first fact of human existence ») Pas étonnant que sieur
David Cronenberg ait acquis une réputation violente et perturbée en peu de temps (surtout après son premier film “
Frissons”) ! Il semblait donc tout indiqué pour réaliser une autre adaptation (sa 4ème il me semble) : “
A History of Violence”, un roman graphique (terme plus technique et plus « valorisant » pour désigner une BD) de
John Wagner et
Vince Locke, très proche graphiquement d’un autre comics, “
Les Sentiers de la Perdition”.
Tom Stall, un père de famille à la vie paisiblement tranquille, abat dans un réflexe de légitime défense son agresseur dans un restaurant. Il devient alors un personnage médiatique, dont l'existence est dorénavant connue du grand public...
Ce père de famille, c’est
Viggo Mortensen, révélé au grand public dans la trilogie du “
Seigneur des Anneaux” ! Mais pour les autres, il est le Frank Roberts dans l’inoubliable “
Indian Runner” de
Sean Penn ; il est un peintre et un poète à ses heures perdues ! Bref, c’est un homme qu’on ne peut réduire à un type barbu aux cheveux gras qui emballe
Liv Tyler dans un interminable (très) long métrage au succès et commercial et aux oscars (pléonasme) !
Epaulé par un
Ed Harris, en très grande forme dans un rôle de mafieux parano à la gâchette facile et un
William Hurt, surexcité en vrai faux parrain qui joue dans la démesure,
Mortensen nous rappelle que, lui aussi, a un charisme incroyable !
« Demandez-vous plutôt pourquoi votre mari est si doué… pour tuer des gens ! » lance
Ed Harris à
Maria Bello. Cette réplique est l’emblème de l’univers torturé de Cronenberg : la cellule familiale confrontée à une crise indéfinie et extérieure, la violence qui surgit de plus en plus souvent et en devient banale ! Car c’est au sein de la routine que la violence choque le plus et le réalisateur s’en donne à coeur joie en évitant clichés et effets racoleurs ! Est-ce hideux ce crâne qui explose sous l’impact d’une balle à bout portant ? Et ce visage défiguré par un nez défoncé ? Ou y a-t-il une certaine beauté ?
« Tuer est un art, ce n’est pas inné ». La violence est-elle un moyen de rédemption ? De défense ? De salut ? Peut-on l’oublier ? Toute l’ambiguïté de ce film magistralement filmé et mis en scène est là : dans ce père de famille qui cache si bien ce petit quelque chose inavouable car la zone de mutation n’est plus un simple corps (comme dans “
Videodrome”, “
eXistenZ” ou “
Frissons”), c’est la famille toute entière ! Quand l’édifice se fissure, chacun révèle ses faiblesses, ses failles, plus rien ne saurait être comme avant : calme et serein. C’est une spirale infernale, un virus qui se propage partout et fait chavirer tout ce qui semblait acquis. Le passé refait surface, peut-on l’oublier de nouveau quand on s’est forgé la vie souhaitée ?
Et comme à son habitude, lorsque le sexe apparaît, il est moyen d'auto-consolation, de rédemption ou... de soumission ! Jamais symbole d'amour : tout aussi violent que d'exploser une cafetière au visage d'un inconnu, le sexe n'est ni bon ni mauvais, juste l'extension d'actes cruels...
De cette anomalie,
Cronenberg tire son film le plus accessible. Peut être le moins personnel car le moins autobiographique, pourtant tourné dans son Tonroto natal. Rien ne sera jamais résolu, tout reste à construire, à réinventer (rare moment d’optimisme chez
Cronenberg). D’apparence simple et évidente, ce film est terriblement subtil et pervers.
« Tom Stall est un héros, il n’y a qu’en Amérique où l’on peut trouver ce genre de héros ! », et il n’y a que
Cronenberg pour être autant étrangement inquiétant !
http://www.cadrage.net/dossier/cronenberg.htmA history of Violence de
David CronenbergAvec : Viggo Mortensen, Ed harris, William Hurt
2005.
Interdit aux moins de 12 ans.